13 décembre 2006

Campari and cigarettes (fuck me i'm famous)


Il devait être quatorze heure lorsque Catherine vint s’installer au bord de la piscine sur le toit du Palacio Belmonte de Lisboa, la chaleur de cet après-midi d’été se matérialisait sur sa peau en gouttelettes de moiteur perspirante.
Elle était sortie de sa chambre à la hâte, vêtue d’une seule pièce de maillot de bain, recouvert d’un paréo hermès noué à la taille et d’un chapeau de paille suffisemment large pour empêcher tout rayon de soleil d’atteindre sa peau diaphane.
A son épaule pendait au bout d’un fine chainette dorée, un minuscule sac couleur chocolat et siglé LV.
Dans sa main droite, un téléphone mobile collé à l’oreille et dans lequel elle proférait quantités d’injures à une certaine Anne-Sophie qui n’avait pas été fichue de lui réserver la suite habituelle et à qui elle raccrocha au nez sur un ton de reine-mère autoritaire et capricieuse:
“...Et puis arrêtez de chouiner Anne-so, ça m’insupporte, je paie déjà assez cher vos incompétances quotidiennes, je n’vais pas en plus supporter ça, appelez moi ce soir à 20h et trouver une solution d’ici là!”
Dans sa main gauche,le dernier numéro de “Elle” édition fançaise dont elle faisait la couverture!


Elle fit signe de la main à Christiano, le garçon de piscine et alors qu’il se précipitait vers l’actrice, elle déclara de façon définitive et en français: “ici, ce sera parfait!”.
Christiano l’installa à l’ombre d’un gigantesque parasol, elle ne quitta pas pour autant ses grandes lunettes hublots de marque italienne et sont grand chapeau de paille qui semblait pour sa part sortir tout droit d’un marché populaire de la ville...
Avant qu’il ne prenne congès, elle ajouta:
“Ah, et puis apportez moi un Campari-orange, sur glace, s’il vous plait?”

Elle affecta de ne pas m’avoir remarqué, à deux chaises-longues de la sienne, de la même façon qu’elle semblait faire abstraction de tout ceux qui l’entouraient à l’exception du serveur préparant sa commande.
Sur la table basse, elle saisit l’eventail mis à sa disposition par l’hôtel et l'ouvrit d’un coup de poignet pour ventiller son visage par saccades de 3 ou 4 battements successifs.
Elle ne tarda pas à échanger l’eventail contre son verre de campari-orange lorsque celui-ci arriva enfin sur sa table; la débarassant de toutes ses fioritures, paille et décorations fruitées, elle porta la boisson à ses lèvres pour en engloutir la moitié d’une traite. sa main libre ouvrait son sac pour en sortir une longue cigarette extra fine au filtre blanc simplement orné d’un anneau doré.
Elle se pencha plus en avant sur son sac, l’air de chercher quelque chose puis leva enfin les yeux sur le monde qui l’entourait avant de les poser sur moi!


Catherine plongea une dernière fois ses yeux dans son sac, nullement embarassée mais toutefois hésitante à l’idée de devoir m’adresser la parole:
“Jeune homme? Oui vous, qui d’autre?" renchérit-elle en français d’un ton faussement neutre alors que je feignais la surprise d’un air ridicule en tournant la tête de gauche à droite. Elle avait d’ailleurs certainement remarqué que je l’observais depuis son entrée sur la terrasse.

Comme je fumais moi aussi, elle alla droit au but en exhibant sa cigarette:
“- vous avez du feu je crois?”
Intimidé, je répondis oui d’un mouvement de tête, seule partie de mon corps qui ne semblait pas paralysée.
“Très bien, alors qu’attendez-vous, pourriez vous m’allumer je vous prie?”
Elle m’avait scotché à ma chaise longue en quelques mots, je trouvais cependant l’énergie de me lever, de parcourrir le plus dignement possible les quelques mètres qui me séparaient d’elle et d’allumer mon briquet dans un tremblement que je ne pus dissimuler.
Ma fébrilité ne lui avait pas échapée, elle eut un rictus de satisfaction juste avant d’inspirer l’air au travers de sa cigarette.
Elle recracha la fumée à la manière d’un homme en deux bouffées brèves et raprochée et d’une virilité qui me coupa le souffle. Comme je restais planté sur mes deux cannes à l’admirer bêtement, elle avala le reste de son Campari-orange avant de lever la main en criant “Garçon!”.
Je revenais à moi et au moment ou je rebroussais chemin pour regagner ma place, elle ajouta dans un bref sourire: “Et merci”.

Dans la demi-heure qui suivit, je partageais mon temps entre la lecture de l’autobiographie de Gloria Swanson et une comptablité exhaustive du nombre de verres que ma voisine de parasole s’enquillait. je constatai alors qu’elle commandait précisément un Campari-orange toutes les 7 minutes.

Elle s’humectait tout juste les lèvres avec son 6e verre lorsqu’elle m’interpella de nouveau:
“- jeune homme....?”
Sans même jeter un oeil vers elle, je posai mon livre, attrapai mon briquet et me levai une seconde fois, la timidité commençait à laisser place à l’agacement.
Elle sortit lentement une cigarette de son sac et me regardait fixement cette fois-ci:
“- Merci, vous aimez les actrices on dirait?
- Pardon?" répondis-je supris devant cette marque d'intérêt inattendue;
"- Votre livre, Gloria Swanson, les actrices??!!" rétorqua-t’elle comme si elle s’adressait à un déficient mental;
"- Ah ça, oui effectivement, et au cinéma en général.
- C’était une époque interessante mais pas la meilleure si vous voulez mon avis, et sinon, dites-moi, que faites vous ici, vacances? Affaires? Cinéma?
- Et bien, vacances, je fête mon anniversaire ici ce week-end.
- Ah, très bien, quel âge avez-vous, trente?
- Non, seulement 25", ajoutais-je en insistant sur le mot seulement affichant un sourire jaune tout en pensant “quelle vielle salope”.
"- 25, vous etes très jeune en effet, mais vous paraissez davantage, et c’est un compliment croyez-moi! qu’avez vous donc prévu pour cette fête?
- Oh, trois fois rien, un ami organise pour moi un plan abattage” répondis-je d’un ton exagérément provocateur et enjoué.
Catherine resta perplexe 5 secondes avant de poursuivre:
“- Ca a l’air charmant, mais qu’est-ce donc?
- Et bien comme j’ai 25 ans, mon ami a prévu d’inviter 25 de ses amis portuguais, tous jeunes, beaux et vigoureux, et je vais me taper les 25 à la suite ce soir même!”
Catherine manqua d’avaler sa cigarette, elle partit dans une quinte de toux, avala une grosse gorgée de Campari-orange suivie d’une inspiration profonde, puis elle leva les yeux vers moi, remonta ses lunettes noires sur la tête et me fit un sourire complice avant de déclarer:
“- Et bien, c’est même exquis, au moins vous les pd vous savez vous amuser, j’en connais quelques uns à qui ça ferait du bien un petit plan abattage de temps en temps. Dites moi, je vais bientôt fêter mes 60 ans, vous croyez que votre ami pourrait....? Vous voyez?
- Ecoutez Catherine, je peux vous appeler Catherine?" elle acquiessa de la tête."Peut être pas 60, mais je lui en parlerez et ne manquerez pas de vous tenir informée dès demain si je peux encore marcher jusqu’à la piscine. En attendant, puis-je vous offrir un autre Campari-orange?"


Elle leva le coude pour vider le fond de son verre, elle était à la fois impressionante et triste, belle et vulgaire. Son allure de star glaciale et inaccesible avait fondue comme les glaçons de son Campari-orange, en un instant, celui où elle s’était transformée en alcoolique mondaine et désespérée.
"- Avec plaisir et seulement si vous m’accompagnez, je déteste boire seule mais il fait si chaud et j’ai si soif tout à coup!"


Je dédie cette petite histoire à Valmont de Fersen et au tiKinder; les anecdotes de l’un et l'imagination délirante de l’autre m’ont inspiré cette petite fantaisie; et bien sûr, je dédie aussi ce post à Catherine, avec toute mon admiration...et quelques Campari-orange (l'abus d'alcool étant dangereux pour la santé! Si si)

06 décembre 2006

Prémonitions oniriques


C’est le 6 décembre: Joyeux anniversaire Maman.....

“Once upon a time.....”, ainsi débute “Still my body aches” de Thomas Dybdahl, c’est comme un conte qu’il me chuchote à l’oreille, et lorsqu’on me murmure de jolies choses à l’oreille, je succombe et je m’abandonne, il y a cette drôle de vibration qui chatouille mes muscles courbaturés d’avoir trop courru sous la pluie avant hier.

Il faut le savoir, en ce moment il pleut à Lyon, et il fait gris, on aurait envie d’être ailleurs s’il n’y avait pas ces fameuses illuminations le week end prochain, et en ce moment on a bien besoin de lumière.
C’est marrant comme tout est toujours gris début décembre, on pourrait croire cela fait exprès pour que les gens compensent leur mélancolie en cadeaux de noël et achats compulsifs appâtés qu’ils sont par la moindre guirlande électrique....

Tiens c’est une idée, j’vais m’enguirlander avant chaque sortie... Et si tout le monde s’enguilandait, cela changerait-il quelque chose?
Non, probablement non!
“tiens regarde la pauvresse avec sa guirlande H&M, et pourquoi tu me matte comme ça, t’as jamais vu une guirlande Louis Vuitton, moi je préfère les guirlandes écolos, à base de chanvre, tu peux les recycler en anxiolytiques... et matte un peu Madame le Maire avec sa guirlande à l’éphigie de Madame Royale....ridicule, non hype...bah je sais plus? Ni l’un ni l’autre!”

Jadis, les fêtes j’trouvais ça bien, j’aimais bien l’euphorie de l’avant. Maintenant, ça m’enmerde, j’ai l’impression de subir et d’être dépassé, dieu merci j’ai pas de mioches, ça m’évite au moins l’arbre de noël du CE...avec ces parents qui se battent à coup de coudes pour faire valoir leur droits au père noël....

Cette année, Noël ce sera en famille et à Paris, 2 ans de suite au boulot ça commençait à paraître louche pour ma mère...Je pense beaucoup à ma famille en ce moment, je ne sais pas pourquoi? Noël ptet?

Il y a quelques jours j’ai rêvé de ma grand mère. D’habitude je ne me souviens pas de mes rêves au matin, mais là c’était tellement glauque que ça m’a réveillé: j’étais convoqué d’urgences à l’hôpital parce que ma grand mère se mourrait.... Comme j’habite loin, c’était trop tard, à mon arrivé elle était déjà morte; je m’éffondrais en larmes en entrant dans la chambre.
Il y avait quelque chose d’étrange, d’inhabituel, une lumière diaphane, son visage était serein, presque rieur comme lorsqu’elle me faisait une blague, comme si elle était enfin libérée des souffrances quotidiennes, de l’affront des petites incapacités qui s’accumulent vicieusement....
Je lui pris la main, elle était froide, si froide et pâle. Sa chambre d’hôpital ressemblait à la chambre de son domicile, c’était incohérent et je m’en apercevait mais la peine m’empêchait de réfléchir.
Un médecin entra soudain soudain dans la chambre, sans se présenter mais il avait une blouse blanche de médecin et il s’adressa à moi d’un ton péremptoire et accusateur: “Vous voilà enfin, dépêchez vous, vous devez la sauver....”
Incrédule, je lui répondais qu’il était trop tard, que je ne pouvais rien faire, mais presque malgré moi et des larmes plein les yeux, je m’executais et tentais des gestes désespérés de réanimation sur son corps inerte qui s’animait de quelques convulsions vaines sous l’effet de mon massage cardiaque.... Je voyais bien que tout ça ne servait à rien, mais je ne pouvais m’arrêter tant qu’on ne m’en donnait pas l’ordre.... j’étais rouge de honte, je suais, j’avais l’impression de comettre un viol....
Je me sentais partir, et la lumière de la pièce devint blanche et aveuglante, immaculée.....Lorsqu’il redevint possible d’ouvrir les yeux, je me trouvais face à ma grand-mère vivante, elle avait rajeunit d’au moins 50 ans, elle devait avoir le même âge que moi, elle ressemblait à sa photo de mariage, avec son petit tailleur blanc, ses yeux rieurs, ses cheveux bruns, et un visage d’une pâleur excessivement belle, comme Gloria Swanson dans un film muet du début du début du siècle.... elle portait aussi un sautoir de perles blanche et des gants blancs satinés....
Elle s’approcha de moi, sécha mes larmes et me serra fort dans ses bras comme lorsque j’étais enfant, puis elle me fixa de son regard tendre et me dit: “mon chéri, je ne t’en veux pas, ...., merci mon chéri”
“- merci pour quoi? lui demandais-je
- merci, de me laisser partir...”


C’est là que je me suis réveillé, boule au ventre et vielle angoisse, je n’avais jamais ressenti une telle panique au réveil.
Le lendemain, alors que ce rêve me hantait toujours, je lui téléphonais et j’appris avec stupeur et tremblements qu’elle était tombée en voulant aller ouvrir la porte à son infirmière à domicile. C’est cette dernière qui a donné l’alerte à ma famille... Quand la porte fut ouverte, ils trouvèrent ma grand mère à terre dans une marre de sang, incapable de se relever seule.
Elle me racontait tout ça, encore émue par la peur qu’elle avait eu, mais avec ce détachement cynique propre aux vieux qui on déjà fait le tour de la question et qui pensent au temps qui reste en phantasmant sur la façon dont la mort va venir les cueillir.
Elle me dit: “tu sais quand je me suis retrouvée par terre, j’avais très mal parce que je m’étais cogné la tête et ensuite j’ai eu très peur quand j’ai vu tout ce sang qui coulait et je me suis dis, ça y est, j’vais crever là par terre, c’est finit! tu sais que c’est comme ça qu’est morte la petite vielle qui habitait ici avant moi..... et maintenant j’suis là et j’ressemble à un pirate parce que le médecin ma bandé tout le crane!”

Je l’écoutais en essayant de ne rien montrer de mes angoisses, mais j’avais mal au bide rien que d’y penser et je plaisantais avec elle pour dédramatiser, en lui disant que maintenant on allait l’appeler la Momie plutôt que la mamie.... ça la fit rire et on s’est mis à parler de la pluie et de la pluie, des changements dans son traitement et de la famille... Nous n’avions pas besoin d’en dire plus elle et moi, nous avions compris ce que tout cela signifiait.... elle me demanda quand j’allais venir, je lui promis de venir dès que possible, pour elle comme pour moi le temps s’écoule doucement, surement, dans une certaine routine, mais certains moments comptent maintenant 2 fois plus.