13 mai 2006

On t'appelait "Princesse Phanie"


Ton règne a commencé il y a 28 ans, tu fus proclamée Princesse par ton père lors d’une grande cérémonie rituelle, l’accouchement, dont tu te débarrassas avec succès et détermination...
Tes parents te donnèrent le même prénom qu’une illustre princesse d’un sinistre rocher, c’était un hazard mais ça t’allait bien.
Par la suite, tu tronais sur ta chaise haute, tu rayonnais de tes longs cheveux blonds, traits de lumière ondulés qui éblouissaient ta cours.
Tes yeux d’un bleu délicat semblait vouloir rappeler que le ciel t’appartenait de nature.
tu reignais de façon absolue, enfant reine, objet consacré de tout l’amour parental, rien ne pouvait venir troubler ce triomphe tranquille, cette félicité pérenne.
Du haut de tes 2 ans, il n’y avait plus de doute possible, il flottait autour de toi comme une certitude divine, une aura diaphane et angélique, tu étais Déesse au Paradis!

Pourtant, 1 mois à peine avant de fêter avec gloire cet état de fait, ta mère, que tu estimais pourtant beaucoup et qui devait bien s’en féliciter, fit acte de trahison en mettant au monde à ton insu cet immondice, chose informe ressemblant à s’y méprendre au commun des mortels. Tu avais un petit frêre, évènement aussi inattendu que vulgaire, un coup de tonnerre dans ton ciel si calme, dans ton monde si parfait!

Il faut bien avouer que de stupeur, tu ne sus pas immédiatement comment réagir? Observant longuement tes géniteurs dont tu n’étais plus l’unique centre d’intérêt, tu pris le temps de la réflexion.
Ton intelligence divine t’aida à trouver une stratégie à la fois résonnable et géniale. Puisque tes parents semblaient manifester de façon étrange mais sincère un réel bonheur envers ce rejeton ridicule, tu en ferais de même et dès lors, ils ne pourraient que t’en être très reconnaissants et devant tant de gentillesse désinteressée tomber à nouveau sous le charme de leur divine enfant, leur unique enfant, toi!

Si ta stratégie fonctionna ponctuellement, elle ne s’averra pas pour autant efficace à 100%. Pendant 1 ou 2 ans tu essayas tout ce qui te passait par la tête, colère, intimidation, chantage, charme, pleurs...Rien y fit, tes parents étaient toujours partagés entre le magnifique, toi, et la laideur, lui!
Il fallait agir, être radical... comme le monstre commençait à marcher, il devenait dangereux et envahissant, son périmètre ne se limitait plus hélas à cette cage dans laquelle tes parents le gardaient heureusement enfermé jusque là. La “chose” était capable de marcher, elle n’était donc pas si insignifiante que ça, et bizarrement elle avait la facheuse habitude de te suivre partout... Tu étais éxcédée mais tu allais t’en servir.

Un jour de grand soleil, alors que tes parents étaient occupés à toutes ces basses tâches qui consistaient à maintenir ton royaume dans l’état magnifique que tu méritais et nécessaire à ton épanouissement , tu entrepris d’escalader ton trône favoris, le divan.
Rapidement, le petit monstre t’emboita le pas, comme il n’arrivait pas à grimper aussi bien que toi (encore une preuve de son infériorité) tu l’aidas et il t’en fut extrèmement reconnaisant, d’ailleurs il te regardait toujours avec admiration, comme un sujet devant son seigneur, c’était bien là sa seule qualité, il avait reconnu en toi l’être supérieur que tu étais.
Tu l’incitas alors à se tenir debout sur le trône et à sautiller, il riait beaucoup cet idiot, sans savoir quel drame l’attendait et surtout que ces rires seraient ses derniers!
Le moment de la délivrance arrivait, le parasite te tournait le dos, face au vide et inconscient du danger, tu savouras longuement ce moment de doux triomphe devant la naîveté de ta victime offerte à ta sentence. Mais ton attente n’avait que trop durée, tu oeuvras froidement et rapidement, laissant tomber ton couperet divin et tu propulsas séchement de tes 2 mains le condamné qui alla comme prévu s’écraser la tête la première contre ta guillotine, la table basse en verre!

Ah qu’il était jouissif ce moment de libération, tu étais enfin débarrassé de cet encombrant, tu te pâmais déjà en savourant l’idée de retrouver ton aura d’antan et la vie délectable que tu avais du temps de l’exclusivité parentale...

A peine avais tu eu le temps de penser à tout ça, que ta douce introspection fut troublée par un vacarme sans nom.... tu n’y crus pas immédiatement mais c’était une évidence, le gnôme braillait encore en remuant dans tous les sens, la tronche en sang certes, mais il était bien vivant.
Ce constat d’échec te hérissa presqu’autant que le son de sa voix et le spéctacle de ta mère accourant au secours de l’agonisant te paru affligeant....tu eus le tournis et des nausées....

En plus de cette déception sans nom, il te fallut subir les humiliantes remontrances de tes 2 parents qui bravèrent pour la première fois la toute puisance divine de ton être et dont il te déstituèrent. Incroyable! Tu pris alors conscience que tu étais redevenue une mortelle comme les autres...
Ton règne prit fin, trop tôt!

Bien pire que ça, il fallut que tu t’habitues à coéxister et même cohabiter avec le pot de colle ressuscité, il fallait bien avouer qu’il était solide le bébé sumo!
Tu t’en accomodas donc, c’était ta pénitence, et tu t’en servis aussi, tu en fis un disciple, ou plutôt un esclave docile à qui tu faisais faire tout et n’importe quoi mais surtout ce qui t’incommodait! Ceci te consola et améliora considérablement ton sort de mortel!

Peu avant tes 5 ans, le jour même des 3 ans de ton invertébré de frêre, ta mère remis ça, elle mis bas encore une fois, c’était encore un garçon et tu fus subjuguée, celui-ci était magnifique, il te ressemblait en fait, c’était une réplique mâle de ta perfection!
Tu l’aimas d’emblée, tu fut béate d’admiration devant le machiavélisme de ta mère, elle te vengea en mettant au monde un 3e chiard le jour de l’anniversaire du second. Ton enthousiasme fut déçu par la réaction du monstre, il était content lui aussi, mais vraiment heureux, trop bête pour feindre ce genre de chose!

Finalement, à défaut d’un royaume, tu héritais d’une mission, administrer toute cette population, en considérant bien tous les aspects qu’elle comportait, la misère et la mocheté (frêre n°1) et l’opulence de sa beauté (frêre n°2).
Tu pris goût à ce travail difficile de rigueur organisationnelle et de gestion des impondérables; celui-ci influença d’ailleurs ton caractère intrasèque pour les 28 années qui suivirent.
Pour réussir, il fallut t’endurcir, travailler beaucoup, sacrifier quelques plaisirs, ne jamais céder aux futilités et à l’oisiveté... toujours planifier, organiser, prévoir, maîtriser.
Tu as toutes ses qualités, tu as cette niaque, cette volonté, cette détermination et ce courage, cette bravoure.... tu aimes la droiture, les choses carées, les gens qui vont jusqu’au bout des choses et s’en donnent les moyens, tu connais la valeur du travail, la valeur de l'argent, tu as des valeurs auquelles tu es fidèle!

Grâce à tout ça tu as réussi à devenir ce que tu voulais être, grâce à ça tu a guidé tes frêres, tu leur a permis de s’affirmer, tu as été un modèle indéniable.
Pendant ces longues années ingrates de l’adolescence, ton frêre le moins aidé (le n°1) a tout tenté pour t’arriver à la cheville, pour te ressembler, pour suivre tes traces.... Ton haut degré d’exigence l’a aidé à éxigé plus de lui-même et à tendre vers le bon, vers le beau et vers le grand!
Ce qui lui a manqué simplement, c’est ce qui t’a manqué à toi-même, ce dont tu t’es privé toi-même, la simple expression d’une sensibilité que tu avais immense, enterrée au plus profond de toi.
Tu sais bien, cette sensibilité qui s’exprima quelque fois en crise de larmes lorsqu’à force d’enterrer, tu étouffais jusqu’à déborder, jusqu’à exploser!

Un jour tu constatas que ton 1er frêre avait changé, il était devenu indépendant, autonome, il s’était construit au delà de toi, vos plus grands conflits eurent lieu à cette époque, et son arme à lui c’était le langage, ton seul point faible peut-être.
Tu t’es certainement demandé comment et pourquoi il arrivait à te faire si mal avec de simples mots, tu as cru qu’il prenait plaisir à te déstabiliser au point de te faire pleurer, tu l’as détesté de te détester autant.
La vérité c’est qu’il n’a jamais césser de t’admirer et de t’idéaliser, la vérité c’est qu’un jour il a compris comment percer la forteresse, et qu’il a découvert en faisant exploser tes défenses ce qu’il cherchait depuis toujours, l’essence de ta sensibilité, de ton humanité et de ton amour.
la vérité c’est qu’il n’a jamais cessé de t’aimer et de vouloir te le montrer, la vérité c’est qu’il a toujours attendu une réponse en retour de cet amour.
Pour cela il a continué à te provoquer et à te faire pleurer, pour te voir toi, vraiment, toute entière!

Il a fini par se décourager et à à croire qu’il resterait pour toujours ton négatif: là où tu étais blanche il était noir, là où tu étais sombre il était clair, là où tu brillais il était terne, là où tu excellais il étais médiocre, là où tu étais timide il s’affirmait, là où tu lachais tu terrain il l’occupait, là où il riait tu pleurais, quand il se ruinait tu épargnais, quand il se conssumais tu redoublais d’energie, là où tu es une montagne de raison il reste un puis d’insouciance...etc.

Un jour il assuma ce qu’il était et construisit une vie qui lui ressemblait toute entière, si loin de toi et de la tienne, sans compromis, ses choix il les imposa aux autres, aux siens, qui finirent par les accepter....
Ce jour là, il comprit qu’ainsi il s’autoriserait un jour à être heureux, il comprit que tu ne l’étais pas...et il fut triste.

Et puis, vint le moment où vous vous retrouvèrent tous les 2, le temps avait passé, vous n’aviez pas tellement changé l’un et l’autre, juste assez pour être capable de vous parler, de vous écouter, et d’apprendre à vous connaître et à vous accepter enfin!
Depuis, vous avez fait beaucoup de chemin tous les 2, l’un à côté de l’autre, de Marseille à Londres, le temps d’une escapade entre 1 frêre et 1 soeur.
Depuis, tu as réussi à laisser parler toutes ces émotions et il sait maintenant que toi aussi tu t’es enfin autorisé à être un jour heureuse.

Aujourd’hui, au téléphone tu arrives même à lui dire “Bises!”
Un jour, il n’y a pas si longtemps, tu as aussi réussi à lui écrire ce qu’il attendait tant, que tu l’aimais!
A la lecture de ce mot il pleura comme rarement, de bonheur, et encore aujourd’hui, à chacune de tes petites attentions épistolaires, il ne peut réprimer ses larmes, ces larmes qui comme tes émotions ont trop attendues pour s’exprimer.

Cette princesse c’est toi, Stéphanie, ce frêre ingrat, c’est moi, je te souhaite un joyeux 28e anniversaire, j’ai bu à ta santé hier soir et je recommencerai ce soir, parce que je sais que tu es encore trop raisonnable pour boire doublement à ton bonheur...
T’inquiètes je m’en charge, et comme tu le sais déjà je t’aime gros comme ça, mais je ne me lasse jamais de te le dire, comme si je voulais être sûr que tu l’entendes bien.
Tu resteras toujours une princesse à mes yeux, tu en as la beauté et le coeur.

A très vite pour un week-end fraternel, j’ai pensé à Amsterdam, Rome ou Berlin, à toi l’honneur du choix!

9 Comments:

Anonymous Anonyme said...

la princesse est en train de pleurer...merci!
merci car toi aussi tu as eu un role dans ma construction!
je suis désolée pour toutes ses souffrances mais il va falloir rétablir certaines vérités...sur le crime!!où est la PRESOMPTION D'INNOCENCE? retrouver l'adn, reinterroger les temoins...il faut ressortir le dossier.
à bientot pour amsterdam ou berlin.

23:15  
Anonymous Anonyme said...

maman a pleuré, elle est heureuse ; elle trouve ton ecriture et ta sensiblité de qualité...mais arretes de parler de toi comme un monstre,un sumo ou autres qualificatifs dégradants.
tu es beau, intelligent, aimant...

23:33  
Anonymous Anonyme said...

CQFD

03:52  
Anonymous Anonyme said...

ils peuvent être fiers de tous leurs rejetons, les parents LB...

11:11  
Anonymous Anonyme said...

et voilà ça me ferait presque pleurer cette histoire de princesse

12:02  
Blogger Nougat said...

Toi aussi tu as une princesse de ta famille !! Bon je compatis, ca a pas du être tous les jours facile... Sublimement nothombien, j'adore. Et bonne anniversaire à une autre princesse ! (Mais combien y en a t-il donc sur Terre ???)

18:14  
Anonymous Anonyme said...

Bon anniv' Princess !!

21:28  
Anonymous Anonyme said...

Quelle chance vous avez de vous avoir l'un l'autre ! Félicitations à tous les deux pour avoir su privilégier le coeur à la rancoeur !

23:02  
Blogger Sha said...

De mieux en mieux mon p'tit ganesh, de plus en plus fort dans les mots, dans le récit. Je m'incline devant ce si beau récit et j'embrasse la princesse, même si elle ne me connait pas.

14:58  

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