01 mai 2006

Cinéma encore, cinéma toujours...


Transcendant "Transamerica"!

Bree est une femme de la quarantaine, qui aime prendre un soin tout particulier à s’habiller (souvent en rose), se coiffer et se maquiller... elle aime que les choses soient rangées et propres, elle parle un langage soutenu et toujours très correct dans une prononciation claire et articulée malgré une voix un peu rauque....

Non, il ne s’agit pas là d’un personnage de “Desperate Housewife”, car Bree est un homme qui souffre de dysphorie de genre...en un mot, Bree est un(e) transexuel(le) blindée d’hormones féminines, retouchée de toutes parts, et qui travaille d’arrache pied, dans la vie et avec sa thérapeute, pour se payer l’opération ultime, celle qui lui permettra enfin “d’inverser le patron” de son entre-jambe!
Lorsqu’elle touche enfin au but, Bree apprend avec stupéfaction par la police de New York, qu’elle est probablement le père d’un jeune homme de 17 ans tout juste incarcéré pour tapinnage actif!

Ebranlée par la nouvelle, elle se rend immédiatement à NewYork sous la pression de sa thérapeute, pour sortir au plus vite le rejeton de sa geôle et rentrer à temps pour son opération!

La rencontre avec ce fils inconnu et encombrant va pousser Bree à affronter malgré elle tous ses vieux démons parfois refoulés, et notemment sa famille, dans un road movie à travers l’amérique profonde, inmanquablement bien pensante et moralisatrice, mais souvent surprenante.

Le sujet est casse gueule, mettre en scene un trans, devenu père à l’occasion du seul coup de rein qu’il a dû mettre dans sa vie, c’est un peu rude et on s’attend à un mix entre les pires clichets sur les transgenres et un pathos compasionnel exagéré!
C’est pourtant un film magnifique de réussite que nous livre Duncan Tucker, aidé en cela par un casting providentiel en la personne de Felicity Huffman (Desperate Housewife) confondante de réalisme, jamais vulgaire et toujours digne, écorchée vive à vous coller la chaire de poule à force de déborder de sensibilité et de fragilité contenues.


Que dire alors de Kevin Zegers (le fils), forcément dans un rôle moins consistant, mais tout aussi important, il donne parfaitement le change à sa partenaire avec sa gueule d’ange et son petit cul parfait dont il ne fait (heureusement) pas l’économie pour le plus grand bonheur du petit cochon qui sommeille en nous (en moi!).

Duncan Tucker réussit non seulement à eviter les balourds pathétiques habituels sur les gays et transgenres, expliquant même au passage à ceux qui n’auraient pas tout compris la différence entre travestis et transexuels, mais surtout il arrive à traiter avec humour, sincérité et pudeur toute la problématique transgenre; là où un Almodovar (pourtant objet de culte Dragibusien) nous laisse parfois l’effet d’une platrée de paëlla difficile à digérée bienqu’efficace, l’américain fait preuve d’une surprenante subtilité pour décrire rapports et sentiments humain avec justesse.
Comme quoi, les meilleurs surprises sont souvent les plus inattendues!

Le film est truffé d’un humour gay, requalifié illico en humour trans, et d’une multitude de situations drolatiques ou émouvantes, passant de l’hystérie générale à des scènes de pleinitude, d’évidences zens et contagieuses pour le spectateur.
Point d’orgue, avec la scène de confrontation forcée et redoutée de Bree avec ses parents, ou comment l’enfant prodigue revenu au berceau se trouve être plus femme que femme, plus femme que ça mère même! Forcément sa pète...très fort! mais le message passe et le respect s’impose, c’est l’essentiel.


On pourrait peut-être regretter que Bree ne soit pas un acteur trans, mais après avoir vu le film (l’indispensable du mois), on ne peut que se féliciter (ça tombe bien c’est son prénom) du choix de Huffman, troublante, ambigue: on oublie vite l’actrice pour ne voir d’abord qu’un homme déguisé, puis, quand le film s’emballe, le personnage s’étoffe et et s’impose à nous en être humain dont il ne fait plus aucun doute que son identité (sexuelle) est femme!

La problématique centrale est alors détournée, l’arrivée d’un fils qu’elle apprend à connaitre par le mensonge, les déceptions dans leurs relations, puis la rupture lorsque l’abcès est enfin crevé, révèle alors chez Bree des prérogatives très opposées à son obsession chirurgicale initiale, celles de l’individu confronté à ses propres sentiments humains, et cette douleur poignante que Bree ressent et exprime enfin, bien plus insupportable que la souffrance physique post-opératoire, celle de l’amour (inattendu) d’une mère envers un fils qu’elle croit perdu!

Il est parfois très difficile de reconnaitre un vrai trans, le film l’illustre à merveille dans une scène exquise de réunion “tupperware trans" où l’on fête le nouveau vagin d’une congénaire....bref, il est surtout difficile lorsq’on entreprend une reconstruction, quelle qu’elle soit, de reconnaitre son propre coeur, seul ce dernier est resté intact, et si ce qu’il contient s’exprime sans peur et sans jugement, on découvre peut-être la clef d’un début de bonheur....

Merci Duncan Tucker pour ce voyage trans-america, merci Kevin Zegers (d’être si beau) et merci Felicity Huffman pour cette performance de coeur qui méritait 10 fois un oscar de meilleure actrice et mérite mieux encore ... respect!

“Les filles du Botaniste”....sont gouines!

A voir également, la très belle version chinoise et lesbienne de “Brokeback Mountain”, ou l’histoire d’une jeune orpheline tombant éperdument amoureuse de la fille de son maître de stage, un éminant et rigide Professeur en botanique!
la réalisation est effectivement très académique mais le résultat est d’un esthétisme rare, tant les décors (vietnamiens) et la beauté des actrices illuminent l’écran!
Un sujet délicat, un pari audacieux et engagé, plutôt réussi!

6 Comments:

Anonymous Anonyme said...

I am electrolyst, by the way...

23:20  
Blogger Sha said...

Je ne peux qu'aller dans ton sens mon p'tit chou. J'ai vu "Transamérica" aussi et j'étais sur que tu allais adorer. Je suis sorti de là un peu déboussolé. Puis Félicity est ahurissante. Vraiment, ce film devrait être vu par la France entière !!
Ps : Oui, j'ai bien apprécié la scène de la baignade :)))

08:10  
Anonymous Anonyme said...

Vous savez tous à quel point j'appécie Sharon et Dragibus. Mais je dois dire que je suis pleinement d'accord avec Illusion Angel.

Comment voulez-vous que je fasse pour voir tout ça...???

Et idem évidemment pour le talent d'écriture de ces messieurs....

19:18  
Anonymous Anonyme said...

C'est décidé je vais arrêter de lire les critiques ciné de télérama libé monde et inrocks parce que dragibus il écrit super bien tout ça. Ce weekend, je suis allée voir OSS 117 et Les brigades du tigre du distrayant hé oui faut que je voie aussi les films grand public (je bosse !).
Ok je vais aller voir Transamerica (pour la scène de la baignade c'est ça ?)

22:29  
Anonymous Anonyme said...

bon, post trés convaincant! je vais rajouter transamerica à ma seeing-list, just après inside man.

02:16  
Anonymous Anonyme said...

Salut
On dirait que tu es abonné aux Inrocks...
Tu n'as rien remarqué en lisant les critiques de Transamerica et des Filles du botaniste dans le même numéro ? Ce que Kaganski trouvait comme qualité au premier, à savoir le fait de traiter une sujet délicat de façon très formelle, était un défaut sans appel par la critique du second...
Je découvre ton blog ; il réconcilie avec la blogosphère...
Go on, buddy !

14:06  

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