05 août 2006

Mon silence des oiseaux... et autre ventilation artificielle


Un jour, c’était en juin, j’ai rencontré “a perfect stranger”. (cf "Stranger" dillinger girl et baby face nelson)... tu as soulevé mon t-shirt pour voir mon ventre et “savoir si ce qu’on dit est vrai”.... j’étais flatté, c’était le début d’une histoire aussi intense qu’éphémère, si courte qu’après coup je me suis dit que ce n’était pas une histoire.
C’était un instant, c’est tout, si bref!

Parfois ces jours derniers, j’y repenssais, va savoir pourquoi.... peut-être l’envie d’un bref instant encore... Je crois que ce qui m’a le plus séduit c’est l’étranger en toi... rien de plus, c’est tout ce qui reste en tout cas, une certaine étrangeté.

Hier, mon iPod en mode aléatoire s’est arrêté sur cette chanson, je l’ai écouté plusieurs fois de suite.... je crois que je suis mélancolique en ce moment.
La chanson disait:

“Dieu que cette histoire finit mal,
on imagine jamais très bien,
qu’une histoire puisse finir si mal,
quand elle a commencé si bien.

On imagine pourtant très bien,
voir un jour les raisons d’aimer
perdues quelque part dans le temps,
1000 tristesses découlent de l’instant.

alors, qui sait ce qui nous passe en tête,
peut-être finissons nous par nous lasser?

Si seulement nous avions, le courage des oiseeaux
qui chantent dans le vent glacé.

Tourne ton dos contre mon dos
que vois-tu? Je ne te vois plus
si c’est ainsi qu’on continue,
je ne donne pas cher de nos peaux.

parfois, qui sait ce qui nous passe en tête,
peut-être finissons nous par nous lasser?

si seulement nous avions le courage des oiseaux,
qui chantent dans le vent glacé.....bis"


Hier, en tirant sur l’opercule de mon yaourt à la grecque, j’ai reçu une giclée sur le torse.... je ne sais pas pourquoi (ou plutôt je sais très bien mais je préfère feindre l’innocence!) je me suis dis que ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé....qui plus est avec un Grec!

Et puis j’ai pris ce métro et ce bus, pour me rendre dans cette clinique que je ne connais pas bien, accumuler des heures qui se comptent en euros, qui se paie en fatigue, mais les vacances sont à ce prix....

En arrivant, j’ai réécouté “le courage des oiseaux” puis vint une chanson de Sufjan Stevens, j’étais en avance ce qui ne m’arrive à peu près jamais.... je me suis assis sur ce banc, j’ai finit cet article des inrocks de la semaine dernière... Un couple de documentaristes libanais, coincés à Paris, parlant de leur Liban, de leur blessures et de leurs espoirs....
Et ces mots là, à cet instant précis, au son de cette musique, m’ont pris aux tripes et submergé.... j’ai senti cette larme noyer ma conjonctive de façon inattendue, guettant le moment subtil où le débordement survient et fait perler la goutte transparente.... me délecter de ce frisson qui parcourt le corps dans le même sens que cette larme qui progresse en chute libre.
a 19h hier, je me suis senti à l’identique de ces gens inconnus dont je lisais la peur et la souffrance, empathie, sympathie, compassion, tout ça se mêle et devient flou, je me suis senti libanais et révolté l’espace d’une minute.

Ma main est alors venu essuyer tout ça d’un geste sur ma joue, abrupt et efficace, j’ai rangé ma lecture et mon iPod et je me suis présenté dans ce service inconnu pour soigner des gens inconnus.


j’ai dit 10 fois, “bonsoir mesdames, bonsoir messieurs, je m’appelle dragibus, et je suis l’infirmier qui s’occupe de vous cette nuit...”
Et j’ai souri, et j’ai plaisanté, j’ai pris des mains délicatement, presque dans une caresse, j’ai tensionné, distribué des xanax pour la nuit, piqué des cuisses et des ventres, ouvert l’oxygène, vidé des urinaux, accompagné une dame âgée aux WC, aidé une autre à se remonter dans son lit.
j’ai dit à un papie de 95 ans qu’il avait une tension de jeune homme; ses yeux intenses m’ont regardé dans un sourire, ils voulaient tout dire, la lassitude, la résignation et tout le reste.... ils m’auraient dit bien plus, si je ne m’étais effacé rapidement, géné, piégé.

J’ai plaisanté avec un autre en disant qu’il aurait pu tomber sur une belle blonde bien roulée et que pas de chance il était tombé sur moi!
Plus tard il m’a dit que finalement il préférait être tombé sur moi, un infirmier sympathique et compétant, plutôt que sur une belle plante revèche....
Je lui ai dit que c’était sympa, et je suis reparti, le coeur un peu gonflé, je me croyais blasé de tout ça, je croyais avoir fait le tour du bien que je pouvais donner et du bien que je pouvais recevoir...
Finalement, cette nuit là et tous ses inconnus m’ont fait beaucoup de bien, plus que n’importe qui d’autre.

Et j’attend, impatient, de revoir mon océan... (J-14).


BO du moment:
- Stranger (Dillinger girl et “baby face” Nelson);
- Le courage des oiseaux (Dominique A);
- Giver’s reply (Ramona Cordova);
- Chicago (Sufjan Stevens);
- The eraser (Thom Yorke);
- Long distance call (Phoenix);
- Noah’s Ark (CocoRosie).